Ce
matin au marché un attroupement s'était formé autour du vendeur de
salades qui ne s'en laisse pourtant pas compter mais qui parlait le
verbe haut tout en faisant des moulinets avec les bras,
caractéristique principale comme chacun sait du signe de
l'inquiétude chez les hominidés vertébrés.
Je
faisais prudemment la queue avec mon cabas à l'étalage d'à côté
pour essayer d'entendre de quoi il en retournait et accessoirement
acheter des croquettes pour le chien.
Il
était question d'un énorme trou noir (1) qu'on aurait
découvert et de la fin du monde prévue pour le 21 décembre
prochain ...
Mon
sang se glaça et se figea. Le sang froid ainsi gagné, je devais
absolument le garder en l'état pour courir avertir Léon qu'il
n'était plus nécessaire de continuer à décorer le sapin en
plastique avec les boules de Noël.
En
rentrant, un rapide coup d'oeil dans la cuisine me fit comprendre
que Léon était sorti au PMU avec le chien et qu'il me restait donc
un peu de temps pour en avoir le coeur net.
"Nous
avons découvert récemment que nous avons nous-même un trou noir.
Notre trou noir est très tranquille. C'est un trou noir rassis ...
il bouge pas beaucoup. On s'est demandé pourquoi il y en a qui sont
actifs et d'autres sont tranquilles. La réponse : le trou noir c'est
un ogre et un ogre à besoin de manger (...)
Même
s'il y a un trou noir géant dans notre galaxie il ne faut pas
paniquer. Après tout ces ogres cosmiques ne dévorent que ce qu'il y
a à portée immédiate. Nous ne risquons absolument rien."
J'écoutais
religieusement Monsieur Reeves. Hubert me plaisait depuis toujours.
Il savait tellement bien parler des étoiles ... il m'avait si
souvent réconfortée à la télévision ... le bruit sec du
claquement de la porte du garage me sorti brusquement de ma torpeur.
Et
si Hubert m'avait mentie. S'il s'était trompée dans ses calculs.
Avec mon convertisseur en euros, je n'aurai jamais le temps de
vérifier la distance de ce gros trou noir en années lumières.
Il
fallait trouver une solution pour sauver la galaxie.
C'est
précisément au moment où je composais le numéro de téléphone de
Madame Bond tout en pianotant nerveusement sur le clavier de
l'ordinateur que j'entrevis le seul dénouement possible pour éviter
la catastrophe : une baudruche géante pour obstruer les tunnels du
métro !
Il
ne me restait plus qu'à prendre les mensurations du trou noir ce
qui, pour une couturière, est ma foi un jeu d'enfant.
Quand
Léon arriva avec le chien, je souriais paisiblement dans mon coin.
J'avais oublié d'acheter les croquettes mais l'humanité pourrait se
baffrer tranquillement pendant les fêtes de fin d'année. La fin du
monde était repoussée aux calanques grecques (*)
Paulette
*
(NDRL : près de Cassis).
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